dimanche 20 décembre 2009

Compostelle et moi, conclusion !

Les prémices
C’est un pèlerinage dont j’avais entendu parler. Un jour dans le train, la bande d’amis avec qui je voyageais le matin en parlèrent plus précisément jusqu’à ce que Gérard organise une première session d’une quinzaine de jours en partant de Vézelay ! Après les vacances Gérard me dit : on arrête là l’expérience c’est trop difficile d’organiser ça en groupe. Ils étaient une quinzaine si mes souvenirs sont exacts. Entre temps Juliette m’avait offert un livre sur Compostelle lu avec intérêt. Et à l’occasion de nos marches d’une semaine entre vieux amis : Vannes-Dinard, Normandie, Corrèze, Indre où réapparaît Compostelle et puis Normandie à nouveau. Et puis Jean avait largement déminé le terrain pour une aventure à laquelle tous ou presque imaginions participer, y compris Zouzou et moi qui avions déjà acheté chaussures et bâtons. Après en avoir discuter lors de notre dernière marche en Normandie, Jean décida le 17/05/2009 d’annuler ce pèlerinage entre amis tout en précisant que lui, le ferai malgré tout. Nous étions un peu dépités mais trouvions la décision finalement bien sage.
La décision
Le 3/9 Jean nous annonce qu’il partira le 29 d’Ostabat ! Paul Marc et Michel décident de l’accompagner. Pour ma part, avant de décider de partir avec eux, je devais vérifier si j’étais capable de marcher 25km avec 8 ou 9kg sur le dos. Le 18/09 c’est avec « crainte et curiosité » que j’annonce à mes 3 amis que je suis partant pour tenter l’aventure avec eux. C’est aussi simple que cela. Et au passage je réalise que Compostelle et Santiago c’est la même chose ! Ne riez pas !


La préparation et l’équipement
Depuis un certain temps je faisais des marches régulières autour de la maison pour aller chercher le pain en général, très souvent avec PM, toujours un sac relativement léger sur le dos pour m’y habituer et y stocker de quoi se protéger de la pluie, ne pas mourir de soif ou de froid, ni de faim, disposer de quelques outils au cas où : couteau , scie, cordelette, briquet, compeed, … j’entrepris même de marcher vers le Mont Saint Michel et vers Paris. Les 5 dernières marches ont été faites avec un sac entre 8 et 9kg. De janvier à septembre j’ai marché à peu près 300h dont environ 115h les 2 derniers mois.
Et puis il a fallu s’équiper rapidement. Les conseils avisés de Jean et Paul-Marc m’y ont aidé : sac à dos, sac de couchage, habillement, chaussettes, etc … Bien que décidé à participer à cette marche-pèlerinage, je ne réalisais pas vraiment ce que cela représentait, mais cela ne me préoccupait pas outre mesure. Et puis le départ se faisait dans d’excellentes conditions. Jean avait tout préparé et étudié. Paul Marc avait fait un tour sur le terrain et en plus nous descendait à Ostabat avec escale chez Jean puis chez Jean Michel et Sylvie. J’ai eu la chance de n’avoir à m’occuper de rien en termes d’organisation, n’y ayant aucune espèce de compétence ni attirance, et cela convenait parfaitement à mon incapacité à entreprendre ce genre d’aventure. Je n’aurais plus qu’à marcher.

La justification
Au départ j’ai été poussé par la curiosité, l’amusement et le plaisir de partir avec 3 amis. Mais en cours de route et cela jusqu’à Compostelle je me suis demandé pourquoi j’avais marché environ 800km pour aller là bas. Je crois avoir trouvé une partie de la réponse. C’est un espagnol qui m’a peut être ouvert les yeux. En lui parlant de Saint Jacques Matamoros, il a eu un grand sourire et m’a répondu avec gourmandise : La RECONQUISTA !! Les arabes ont occupé l’Espagne pendant 7 siècles ! J’ai peut-être fait le pèlerinage et tenu à aller au bout en partie pour cette raison tout en me demandant si cela a un sens. Cela relève sûrement de l’inconscient.
Quant à la prière, en principe c’est une occupation importante lors d’un pèlerinage, voici ce que je peux dire : En marchant on pense et réfléchi beaucoup même si on a les yeux fixés la plupart du temps sur ses pieds, on souhaite égoïstement que tout se passe bien pour soi. Mais très souvent on formule des tas de souhaits positifs pour tous ceux qui nous sont chers surtout quand cela ne va pas bien.
Alors est-il possible que nos pensées et nos souhaits rejoignent la prière ?


Les types de pèlerinage rencontrés
Pied, vélo, véhicule à moteur, âne, cheval etc.
Autrefois les pèlerins partaient à pied de leur habitation, un maigre baluchon sur l’épaule, un bâton pour soulager la marche et éloigner les dangers, des savates. Je n’ai rencontré personne l’ayant fait dans les mêmes conditions. Aujourd’hui le pèlerin est très bien assisté : équipement moderne (sac à dos, habillement, chaussures, bâtons etc), bar tous les 5km au moins en Espagne, moyen de couchage public ou privé tous les 15km au moins. Les seuls aléas concernent la santé et la capacité physique à supporter une marche plus ou moins longue. On fait le trajet en une fois, 2 fois, n fois. Une logistique peut suivre, les sacs peuvent être portés jusqu’au gîte suivant etc. Tout cela a peu d’importance seule compte cette intention, irréprésible pour certains, de rallier Compostelle d’une façon ou d’une autre .


La reconnaissance
Revenu en excellente santé et très heureux d’être allé au bout, d’abord un grand merci à mes 3 amis de m’avoir permis de vivre et réussir cette aventure. Jean sans qui je ne serai jamais parti. Paul-Marc qui m’a conduit à alléger mon sac, nous a confortablement descendus à Hendaye et a été le boutentrain du groupe. Les remercierai-je assez tous les 2 ? Michel pour son habituelle et prudente discrétion et les précieux objets qu’il m’a laissé pour poursuivre. Sylvie et Jean Michel qui nous ont accueillis avec leur gentillesse habituelle pour nous déposer à Ostabat point de départ de notre marche à 4 et au retour m’ont assuré gîte, couvert et réexpédition. Rodolphe, compagnon de route attentif, fidèle et courageux jusqu’à Compostelle, et ses femmes qui m’ont grandement facilité une partie très importante du retour. Thérèse et Michel avec qui nous avons pérégriné un bonne partie du temps. Merci aussi à nos 4 médecins : Pierre et Cathy, Véronique et Kerstin avec qui nous avons passé d’excellents moments. Et enfin « last but not the least », AMAR !


Un très grand merci à mes « chaussures » dont je viens de me séparer avec regret après 1500km de bons et loyaux services.


Une chaude reconnaissance à mes « bâtons » pour m’avoir permis d’économiser 20% de l’énergie qu’aurait du dépenser mon système cardiaque si je ne les avais pas eus. Car contrairement à ce que l’on dit nous ne nous allégeons pas de 20%. Que la pesanteur puisse être réduite d’autant ou que perdre du poids de cette façon puisse se produire cela se saurait. En fait, bien utilisés les bâtons font que les efforts pour marcher sont en partie absorbés par les bras, qui sont beaucoup plus proche du cœur que les pieds, et en exigent moins d’énergie, d’où les 20% calculés par les scientifiques ! M’étant décidé un peu tard à les utiliser, je n’étais pas très entraîné !


Un merci particulier au « parapluie ». Son histoire mérite quelques lignes. Les km accumulés je passe un gué et me pose près d’un arbre. Arrivent un homme svelte et racé aux cheveux blancs accompagné de sa soeur. On se parle et il me dit j’ai fait 25 ans au 1er RCP, ma femme en a eu assez et nous avons divorcé ! Depuis je travaille dans les transports urbains de Bordeaux. J’en suis à mon xème Compostelle, j’ai fait le GRxx, le GRyy….. Arrivent mes amis à qui il conseille de replier leurs chaussettes pour libérer la circulation du sang ! Puis nous repartons. Plus tard je les croise et je demande à ce coureur du djebel expérimené de me donner un conseil pour se protéger de la pluie. Il me répond avoir tout essayé et depuis s’en remettre à un parapluie à manche droit, il en avait d’ailleurs un rouge accroché à son sac ! Et puis chacun s’en va marcher de son côté. Mais son conseil avait porté. À Najera dans l’albergue je vois des parapluies dont un rouge à manche droit ! Étonné je demande à l’hospitalero à qui sont ces parapluies et il me répond ils ont été oubliés par les pèlerins et sont à qui les veut ! Et depuis j’ai trimballé ce parapluie, qui m’a rendu service, jusqu’à la maison. Et je suis persuadé que c’était le parapluie de mon pèlerin-conseil. Mais je continue à avoir avec moi pèlerine et guêtres !


L’étonnement encore
Nous avons connu de belles étapes. Nous avons eu des étapes très froides, des pluvieuses (10% du temps seulement), venteuses, plates, certaines sans grand intérêt, des refuges de tout types mais quasiment toujours en dortoir et le + souvent des lits à étages, des pèlerins rencontrés intéressants venant de loin et même très loin, nous avons tous pu le constater ! Des originaux, des pieux, des « kmivore , des grands, des petits, des gros, des maigres, des râleurs, des joyeux, des handicapés, des prudents, des généreux, des enthousiastes, des curieux, des joyeux, des matamores, des touristes, des dilettantes, des tricheurs, des profiteurs mais tous vers le même but St. Jacques de Compostelle.


On rencontre des vies cassées, normales, banales qui toutes s’enrichissent sans aucun doute dans cette aventure. Tous courageux, de 7 à 77 ans peut-être etc. Et il va de soi que les rencontres se font avec les personnes qui le font comme vous. On aborde plus aisément les solitaires que les gens en groupe. Peu de rencontres donc avec les cyclistes, automobilistes et touristes !


Toujours est-il que j’ai toujours du mal à comprendre pourquoi tous ces gens et moi torturons nos corps pendant tant de jours accumulant km sur km pour y arriver. Il faut reconnaître qu’à l’arrivée devant la cathédrale on est un peu perdu, mais l’étonnement est grand, la jubilation intérieure intense et la joie extérieure communicative !


Bilan
Environ 800km en 36 jours d’Ostabat à Compostelle, soit environ 22km en moyenne par jour de 7km au moins à 32km au plus. De Fromista à Compostelle 120h avec les arrêts et sensiblement la même chose d'Ostabat à Fromista (je n'ai pas noté !).
Journée type : lever tôt, toilette et sac vite fait - bien fait, petit déjeuner, marcher, boire, s’alimenter puis repos pour déjeuner, marcher, boire, s’alimenter et finalement (petite angoisse en fin de parcours) trouver et choisir le gîte, s’enregistrer, matérialiser sa place, douche, lessive, soin des petites douleurs, sieste, visites parfois, patience avant un dîner animé, coucher tôt et en général sommeil de plomb.


La marche sac au dos est un exercice inhabituel et donc dur.
Mais elle est excellente pour la santé :
• Physique, le croupier italien en était à son 4ème Compostelle consécutif et disait qu’avec ce régime il n’avait jamais été malade depuis. Mais pas de doute j’ai perdu quelques kg : Compostelle c’est maigrir et sourire. Sinon ? Grossir et souffrir ! Chose curieuse, en 6 semaines je me suis coupé une seule fois les ongles alors que dans mon cocon doré il faut le faire une fois par semaine. Même constat pour les cheveux ! Et la barbe ne s'est guère développée. 


• Psychique, cet exercice exige une discipline certaine. Même si c’est dur, volonté de partir et d’arriver à chaque étape, d’autres en perspective plus ou moins dures avant d’atteindre un objectif final qui apparaît bien  longtemps très lointain. Patience. Rigueur aussi. J’ai été étonné de mémoriser tous les soirs, la place où je posais chaque objet, l'emplacement des toilettes dans l'obscurité etc. Mes propres difficultés m’ont rendu aussi plus attentif à celles des autres.


Bien préparé, bien équipé et bien décidé cette marche-pèlerinage est accessible à pratiquement tout le monde. Mais même en groupe, cette marche-pèlerinage elle-même reste une aventure vraiment personnelle.


PS : Avec Michel nous recherchions une formule que j’avais employée et lui plaisait, je crois que c’est celle-ci :


Quand une conviction devient certitude, l’intolérance s’installe.

Et si ce n'est pas celle là il m'aidera à la retrouver !

FIN
Merci à mes amis et compagnons de "chemin" de me faire corriger les erreurs ou inexactitudes et d'apporter les commentaires appropriés pour tempérer mes impressions si elles sont diamétralement opposées aux leurs. 

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